Les jades chinois (jades néphrites) n’ont guère pénétré en Occident avant l’ouverture des frontières de Chine suivant le traité de Nanking, qui mettait fin en 1842 à la guerre de l’opium : les jades mexicains (jades jadéites) sont encore mal connus, et les jades néo zélandais (jades néphrites) proviennent d’une région où la civilisation est encore néolithique. Aussi l’histoire du jade est elle indissociable de celle des civilisations chinoises et précolombiennes. Le jade de Chine. Pour les Chinois, le jade est la pierre royale, YU. Les idéogrammes le désignent, depuis 2950 avant notre ère au moins par trois traits horizontaux parallèles, recoupés en leur milieu par un trait vertical. La partie supérieure seule de cet idéogramme désigne le ciel ; la partie inférieure seule, la terre ; la partie centrale seule est rattachée à l’homme. Le roi, intermédiaire entre le ciel et la terre, désigné par ce même idéogramme et un point de différenciation, utilisait le jade comme objet cultuel lors de ses prières. Cela illustre bien l’importance accordée aux jades en Chine, où le mot YU est synonyme de trésor, comme le mot or en Occident.

Le jade de Chine

Le jade fut utilisé depuis la préhistoire pour façonner des objets symboliques et cultuels. Lors du culte de la nature, les plus importants étaient les six jades rituels: "Pour rendre grâces au ciel, il faut un pi bleu ciel, à la terre un t’sung jaune, àl’est un kuei vert, au sud un ch’ang rouge, à l’ouest un hu blanc, au nord un huang noir " (Livre des rites ou Liji). Ces objets symboliques étaient aussi largement employés lors des rites funéraires. Le pi, qui représente le cile comme la couleur bleue, est un disque plat percé en son centre (similaire à l’idéogramme du Soleil); d’abord simple, il est orné ensuite d’animaux symboliques : dragons, chauves souris, etc. Le t’sung, symbole de la terre comme la couleur jaune, est un prisme carré percé d’un trou, prisme dont les angles représentent l’eau, le feu, le bois, le métal. Le Kuei, sorte de lame stylisée, symbolise à la fois l’est (gardé par le dragon), le printemps et le pouvoir. C’est aussi un bâton de commandement, donné par l’empereur aux généraux: la couleur verte symbolise le bois. Le ch’ang est une tablette en forme de demi-kuei, symbole du sud et de l’été; la couleur rouge est celle du feu. Le hu, représenté par un tigre (gardien des tombes) symbolise l’ouest (où se trouve le dragon de l’ouest, ou démon), et l’automne; le blanc signifie le métal. Ainsi comprend on mieux le sens caché de l’expression maoïste "tigre de papier". Le huang est une plaque en forme de demi-pi qui symbolise le nord et l’hiver, il est en relation avec l’hydre, le poisson, le dragon des eaux; le noir représente l’eau. Sous le grand yu, le fondateur de la dynastie Xia vers 2000 avant notre ère, le jade, qui ne peut empécher le vivant de mourir, évite cependant la dégradation du cadavre. Celui ci est placé entre un pi posé sous son dos et un t’sung posé sur son ventre, avec un huang à sa tête, un ch’ang à ses pieds, un kuei à sa gauche et un hu à sa droite. Des amulettes (cigale, etc.) accompagnent la mort qui emporte aussi tous ses biens terrestres : l’empereur est ainsi entouré de ses esclaves, ses épouses, ses guerriers (un millier de personnes sont sacrifiées lors de son entourement). La sculpture du jade atteint sous la dynastie Chang une véritable perfection, puis les formes se simplifient avec l’influence du confucianisme et du taoïsme; à l’époque des Printemps et Automne (771-481 av JC), le jade devient symbole d’amour, représente les vertus humaines, illustre le prestige des mandarins, dont les anneaux d’archer attestent le rang.

Le jade en Chine – Jadéite de Birmanie

Les huit immortels taoistes et Lao-tseu lui même, les bothisattvas et de nombreux symboles naturalistes sont sculptés. Kuan Yin, le bodhisattva de la miséricorde, dit "la déesse de jade", que les jésuites, au XVIIé siècle, essayeront d’assimiler à la Vierge, est la figure la plus appréciée. Le champignon d’immortalité du taoïsme devient le Ju-I, sceptre de cérémonie courbe, gravé dans le jade. Après une période trouble, le jade devient, sous l’empereur Xuanzing, de la dynastie Tang (618-907), un matériau de la vie courante. Il est bijou, objet ornemental, vaisselle, et se répand hors de la cour impériale . Toutes les femmes suivent l’exemple de la favorite impériale, Yang Guifei, la beauté de jade, qui vivait dans un univers de jade. Cette époque est l’âge d’or de la gravure chinoise sur jade. Au XIIIe siècle, un marchand qui voyageait entre le Chine et la Birmanie ramassa une pierre pour équilibrer le chargement de son âne ; ainsi fut découverte l’existence du jade-jadéite de Birmanie. Des échantillons ont peut être pénétré en Chine sous l’empereur mongol Koubila). Mais les frontières se fermèrent avec l’arrivée au pouvoir de la dynastie Ming en 1368. La renaissance de l’art du jade amorcée avec les Song (960-1279) s’épanouit alors.